Patrick Malakian

French
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Comment fait-t-on pour être le fils d’une des grandes légendes du cinéma français, Henri Verneuil ? Il y a bien longtemps que Patrick Malakian, lui-même réalisateur, ne se pose plus cette question. Il est bien trop occupé. Chevauchant sa Harley Davidson, il a traversé l’Europe en mai 2015 pour rejoindre l’Arménie depuis la France. Au moment de franchir la frontière turque, Patrick a dû enlever les drapeaux arménien et français qui ornaient l’arrière de sa moto.
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Comment fait-t-on pour être le fils d’une des grandes légendes du cinéma français, Henri Verneuil ? Il y a bien longtemps que Patrick Malakian, lui-même réalisateur, ne se pose plus cette question. Il est bien trop occupé. Chevauchant sa Harley Davidson, il a traversé l’Europe en mai 2015 pour rejoindre l’Arménie depuis la France. Au moment de franchir la frontière turque, Patrick a dû enlever les drapeaux arménien et français qui ornaient l’arrière de sa moto.

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Patrick Malakian sur sa Harley Davidson face à l'Ararat

On pourrait s’étonner de voir le fils d’Henri Verneuil porter le nom de son grand-père paternel. « Quand j’ai eu dix-huit ans, je suis allé voir mon père à son bureau pour lui annoncer que j’allais reprendre notre nom de famille d’origine. Le fait que je me nomme Verneuil m’ouvrait toutes les portes. La vie était bien facile jusqu’à un moment où j’ai ressenti le besoin de savoir quels étaient mes vrais amis. »  Or, contrairement à la scène du second volet du film Mayrig (588 rue du Paradis), dans laquelle le père est ému que son fils reprenne le nom de la famille, la réaction d’Henri Verneuil dans la vraie vie a été des plus virulentes. « Mon père a pensé qu’en voulant m’appeler Malakian, je reniais son propre nom, comme si je ne l’aimais plus. Il a vu aussi ce geste comme une provocation, sous-entendant que j’étais plus arménien que lui », se souvient son fils.

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Henri Verneuil

L’arménité au fil du rasoir

Pour Patrick, Henri Verneuil – alias Achod Malakian – voulait préserver les siens des atrocités du génocide, il pensait que la troisième génération oublierait complètement ses racines. « Or, c’est précisément l’inverse qui s’est produit ! » s’exclame-t-il. « J’ai voulu tout simplement me construire avec mon vrai nom, sans que personne ne puisse me venir en aide. »

 « Je suis fier et j’admire mon père. Une des seules raisons pour lesquelles je lui en veux, c’est qu’il n’a appris l’arménien ni à ma sœur ni à moi, fidèle à son esprit d’être totalement intégré »,

 précise Patrick, qui s’applique aujourd’hui à apprendre la langue de ses ancêtres.

Baptisé à l’église arménienne, Patrick a plusieurs prénoms inscrits sur son passeport ; des prénoms bien français : Jacques, René, Edouard. « Vous noterez qu’aucun n’est arménien ! » sourit-il. Il en va de même pour sa petite sœur qui s’appelle Sophie, Anna, Béatrice …

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Patrick Malakian entouré de sa soeur Sophie et de ses proches, à l'inauguration le 27 juin 2015 du rond point Henri Verneuil à Bouc-Bel-Air dans le sud de la France

« Mon père a vécu son arménité comme il a vécu le génocide : il ne l’a jamais cachée et a toujours répondu présent aux associations arméniennes qui le sollicitaient, sans pour autant mettre en avant ses racines. »  Patrick note néanmoins une sorte de contradiction entre les paroles et les actes de son père. « Lui qui s’était toujours targué d’être athée, connaissait la messe arménienne par cœur ; son propre père avait participé à la construction de la cathédrale arménienne du Prado à Marseille, et en était le chantre en chef. Peu avant que ma grand-mère décède en 1981, mon père s’est rendu en Arménie soviétique et a rapporté une hostie bénie par le catholicos Vasken Ier à l’intention de sa mère Araxie qui était très croyante et est morte l’hostie dans la main », dit-il.    

Remonter la trace d’Achod Malakian/Henri Verneuil n’est pas chose aisée. « À la maison nous ne parlions jamais de notre vie avant la France », écrivait Henri Verneuil dans son récit autobiographique Mayrig paru en 1985 et dont l’adaptation au cinéma n’a pas fini d’émouvoir des millions de téléspectateurs.

 Mayrig (1991)

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« Quand j’ai lu ce livre, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps »

avoue Patrick, qui a revécu tout un pan de sa propre histoire familiale à la lecture de cet ouvrage culte.  Mais il y a comme un grand silence qui continue de planer sur le passé. Comme si un épais voile noir était tombé sur la famille Malakian dans l’immédiat après-génocide.

Signe fort, les noms des parents du petit Azad Zakarian correspondent bien à ceux d’Henri/Achod. Son père, Agop Malakian, était originaire de Rodosto, l’actuelle Tekirdag, une ville côtière située dans la partie européenne de la Turquie. Comme dans le film, Agop était un armateur de pêche. C’est là qu’il a épousé Araxie Bulukian. Achod a vu le jour dans cette famille aisée à Rodosto le 15 octobre 1920. Quatre ans plus tard, la victoire des nationalistes turcs sous la houlette de Mustafa Kemal les a contraints à l’exil. Après une halte en Grèce, ils ont pris la mer dans le but de se rendre aux États-Unis. Mais les conditions éprouvantes de la traversée les ont empêchés de mener à terme leur voyage. « La grand-mère Araxie étant très malade, ils s’arrêtèrent à Marseille.  Ils craignaient qu’une traversée plus longue ne s’avère fatale » explique Patrick. Pour seuls biens, la famille Malakian a emporté une poignée de pièces d’or cousues dans la robe de « Mayrig »/Araxie. Agop, qui était un armateur aisé, a dû partir à la hâte en abandonnant tout sur place.

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Avant d'être adapté au cinéma, Mayrig a connu un succès de librairie lors de sa parution en 1985

Henri Verneuil, un « conteur cinématographique »

Décédé en 2002, le père de Patrick a emporté bien des secrets. « Le plus grand était sa vérité. Il avait à tel point romancé sa vie qu’il s’était auto-persuadé de plein de choses.

Mon père était un conteur et comme tout conteur, il s’est abreuvé de toutes les histoires entendues alors qu’il était enfant dans la boutique de mon grand-père. »

Cette boutique du grand-père Agop était un des lieux de rencontre de tous les Arméniens de Marseille. « Mon grand-père qui était un excellent cuisinier recevait souvent de nombreux Arméniens à sa table, indique Patrick. Avec autant d’histoires sur le génocide, comment savoir quelle fut la sienne ? Il détenait sa vérité et est parti avec. »

Mayrig, son dernier long métrage, vient couronner une carrière incomparable. Le film se divise en deux parties. Si le premier volet narre l’histoire de la famille Malakian ainsi que celle des Arméniens de Marseille, le second est davantage autobiographique. « La lettre qu’il enverra à son père demeurée non ouverte, son second mariage malheureux… tout cela est véridique » affirme Patrick qui a travaillé avec son père en tant qu’assistant réalisateur dans des conditions particulièrement difficiles au point que ses relations avec lui ont souffert durablement de cette épreuve.

« Mon père était d’une minutie, d’une précision sans égale, ce qui le rendait serein sur tous les tournages de ses films car il pouvait dès lors se consacrer à 1 000 % à ses acteurs. Or, dans le cas de Mayrig, c’est l’inverse qui s’est produit ; comme si le sujet l’avait dépassé. Ce sujet a été beaucoup plus fort que lui, il n’a pas su émotionnellement le gérer. » Avec le recul, Patrick qui a travaillé un an et demi sur ce film, a réalisé qu’il n’était absolument pas l’assistant qui lui convenait. « L’ambiance s’est dégradée au cours du tournage, la dernière scène avait duré toute une semaine en Tunisie, nous filmions les déportations avec des milliers de figurants dans le désert. » Et d’ajouter : « Nous avons eu une discussion trois ans avant son décès où j’ai vidé mon sac ; notre façon de communiquer se passait de manière indirecte. Par exemple, s’il a très mal accepté que je m’appelle Malakian, dans le scénario de 588 rue du Paradis le père dit à son fils : « C’est le plus beau cadeau que tu puisses me faire », se souvient Patrick, ému. Comme dans Mayrig, « il n’y avait jamais d’effusions, on ne s’embrassait jamais, mon père a toujours été comme ça. Pour lui « je t’aime » était une parole nom bannie. C’était une évidence qu’il nous aimait. Il était un père présent et ne manquait jamais le soir de dîner avec nous ; il était très attentif et soucieux de notre éducation, par contre il n’a pas vu d’un bon œil que je fasse ce métier, il n’avait pourtant pas à craindre que je le dépasse : avec trente-cinq films à son actif, il est le metteur en scène français qui a eu le plus de spectateurs au monde.

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Henri Verneuil en compagnie d'un de ses acteurs fétiches, Alain Delon (1969)

Cap sur l’Arménie

Si Patrick n’a pas réussi à percer les secrets que son père a emportés dans sa tombe, il a trouvé dans l’Arménie une nouvelle terre d’inspiration. Engagé dans la communauté arménienne de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en qualité de responsable de l’UGAB (Union Générale Arménienne de Bienfaisance), Patrick Malakian se rend très souvent en Arménie pour mener à bien ses projets de coopération et de développement. Il est fier de monter le timbre qu’il a fait faire en France en hommage aux victimes du génocide.

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Patrick Malakian avec la ministre arménienne de la Diaspora, Hranouch Agopian

« Nous avons une chance inouïe, celle d’avoir un pays qui est en train de se construire. Quel peuple peut affirmer œuvrer à la construction de son pays ? L’Arménie a 23 ans, c’est un pays si jeune, c’est à mon sens extraordinaire de me dire que je peux participer à sa construction en ajoutant une pierre à l’édifice », se réjouit ce réalisateur, familier des hautes autorités arméniennes.

Et le cinéma arménien ? « J’ai lancé quelques hameçons, pour l’instant rien de concret mais je me tiens prêt à venir travailler en Arménie dans cette optique. »

Cette histoire a été authentifiée par l’équipe de chercheurs de 100 LIVES

Subtitle: 
Le fils prodigue
Story number: 
130
Author: 
Tigrane Yegavian
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