Stèle commémorative du génocide cambodgien (D.R.)
100 LIVES : Comment expliquez-vous ces nuances que l'on observe dans le traitement médiatique des différents génocides perpétrés au cours du XXe siècle ? L'exemple du Cambodge est intéressant car il s'agit d'un génocide que l'on a quasiment oublié, ce qui n'est pas le cas du Rwanda dont on a commémoré l'an passé le vingtième anniversaire.
Philippe Kalfayan : Seuls deux crimes de masse ont été reconnus comme génocides par les tribunaux pénaux internationaux : le génocide des Tutsis (Rwanda) et les massacres de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine).
Je n’observe pas de nuances particulières dans le traitement médiatique des différents génocides, même s’il faut admettre que le cas du Cambodge semble bien éloigné dans tous les sens du terme. Je rappelle toutefois qu’il me semble prématuré de parler de génocide en ce qui le concerne. Puisque vous employez le terme de génocide, posons-nous la question : quels sont les génocides reconnus et qualifiés comme tels de facto et de jure ?
Les crimes de masse qui ont été commis au Cambodge, par le régime Khmer rouge, font actuellement l’objet de procès des principaux responsables encore vivants par les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens mises en place pour juger ces crimes et leurs auteurs ou organisateurs. Les massacres de Cambodgiens pour leur origine socio-économique ou pour leur opinion politique ont peu de chance d’être qualifiés de crime de génocide car ce motif n’est pas inscrit dans la définition conventionnelle de 1948 (seule l’élimination en tout ou partie des groupes de populations en raison de leurs caractéristiques nationales, raciales, ethniques, ou religieuses, est inscrite dans cette définition). C’est pourquoi, seule l’extermination de la minorité vietnamienne par le régime khmer sera vraisemblablement qualifiée de crime de génocide.
Ce qui est vrai en revanche, c’est qu’un crime est systématiquement rappelé dans les média à l’évocation des autres atrocités : il s’agit de l’Holocauste juif (qui signe fort, n’a jamais été qualifié juridiquement de génocide).