Philippe Isorce
Enfant, je n'ai pas eu la chance d'entendre cette langue ni d'être bercé par des contes arméniens. Mon père interdisait qu'on le parle, tel un tabou qui aurait présenté un risque.
Cela est dommage, car j'ai commencé à apprendre avec assiduité la langue de mes ancêtres à l’âge de 57 ans. Vous allez sourire, mais après mes enfants, c'est ma plus grande réussite. Ma grand-mère maternelle a survécu au génocide. Elle avait 15 ans à Yozgat, elle a été cachée en emmenée à cheval par son frère ensuite chez un sultan, ce qui l'a sauvé des massacres. Elle était esclave, puis elle s'est mariée avec un Arménien avec qui elle a eu une première fille, Oski.
Ma grand-mère quant à elle, a traversé les montagnes enneigées pieds nus avec sa fille âgée de trois ans dans le dos. Elle a réussi ainsi à rejoindre Constantinople où elle a pu avec de nombreux rescapés gagner Marseille en 1923. Elle a été réfugiée dans le camp ODDO de 1923 à 1925. Le grand-père les a rejoints. Françoise, ma seconde tante y est née. Toute la famille a quitté le camp en juillet 1925 pour s'intégrer dans leur nouvelle patrie et d'abord dans le Var.
Le sauveur de la famille de ma grand-mère maternelle qui a réussi à la mettre à l’abri chez un sultan. Aujourd’hui, tous ceux qui nous sont venus en aide sont sans doute plus de ce monde. Mais je fais de mon mieux pour les honorer.