Sur la route des Oscars

French
Par Sargis Khandanyan
 
Maya et Naré voyagent ensemble pendant quarante minutes ; elles sont en phase avec le temps, mais empruntent des directions différentes. Elles apparaissent depuis deux côtés distincts de la même histoire. C’est la même maison à Sebastia (aujourd’hui Sivas en Turquie), qui unit les deux femmes. Mais elles se trouvent chacune dans différents côtés de cette maison.
 
Dépassant le stade préliminaire de la cérémonie des Oscars, en novembre 201 la sortie d’un film dont le sujet porte sur le génocide, est sélectionné comme l’un des dix meilleurs courts métrages documentaires. Nareh Mkrtchyan est la réalisatrice de The Other Side of Home, produit par Rob Fried le lauréat de l’Academie des Oscars.
 

 

                                                    L'autre côté de Rome, bande-annonce   
 
De l'autre côté de la ligne de démarcation
 
Après avoir eu connaissance des histoires sur le massacre de la famille de son grand-père paternel et celle de sa grand-mère, sauvée par des voisins turcs, la réalisatrice Naré Mkhrtchyan, originaire d’Erevan, vivant en Californie, s’est retrouvée d’un côté de la maison.  
 
« Quand je regarde le mont Ararat, cela signifie que je suis chez moi. Quand un Turc regarde le mont Ararat, cette montagne signifie aussi la maison pour lui. Alors comment se fait-il que deux personnes, situées de part et d'autre de la ligne de démarcation se retrouvent de l'autre côté de leur maison ? » Questionne Naré.
 
C'est en cherchant une réponse à cette question que Naré fait la connaissance de Maya, une femme turque. Ayant atteint l’âge de la majorité, Maya défonce le cadenas du coffre familial aux secrets et découvre que sa grand-mère Nouriyeh est arménienne. Pourquoi avoir gardé secret ce fait ? Pourquoi personne n’en a parlé ? Les manuels scolaires n’apportent aucune réponse, ni les conversations de Maya avec sa mère. 
 
«Il était important pour moi de dénicher une personne dotée à la fois de l'obscurité et de la lumière en soi. Une personne qui pourrait montrer que lorsque nous décollons une à une les couches de l’identité, nous nous retrouvons tous en dessous. 

 

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                                                             Maya; le film encore
 
En réalité, qui sommes-nous en train de tuer ? Nous-mêmes ? Ce fut la raison pour laquelle j’ai cherché un Turc qui m’annonce avoir du sang arménien. J’ai voulu que cette personne incarne le conflit. Trouver quelqu'un d'assez courageux pour parler devant la caméra ».
Plus tard, quand Maya a lu sur le génocide des Arméniens, elle comprend pourquoi sa grand-mère, qui a survécu tant bien que mal, change de nom et de religion.
 
 « Je ne suis pas encore une fois, en train de prouver la réalité génocidaire de ce fait. Nul besoin de prouver que l'histoire de mes ancêtres n’est pas une fabrication. Ce qui m’intéresse est de savoir comment le génocide continue, cent ans plus tard à hanter les deux côtés. Comment le génocide continue de les tourmenter », dit Naré.
 
La douleur du déni 
 
Maya, la protagoniste du film, décide de rendre hommage à la mémoire de sa grand-mère en visitant le mémorial du génocide de Tzitzernakaberd au cours du 100e anniversaire du génocide des Arméniens.  Elle se tient devant la caméra, mais a du mal à prononcer le mot «génocide».
 
« Son refus exprimait à l’envi sa propre peur. Je me suis retrouvé dans une impasse et j’ai dû trouver une solution. J’ai parcouru un chemin pavé d’angoisse. Je me suis résolue à montrer la douleur du déni dans ce film. Je crois que Maya incarne vraiment ce conflit. D'une part, elle souffre, et de l'autre, elle nie », note Naré. 

                             Naré Mkrtchyan (au centre), le producteur Rob Fried (à droite),                                                                  producteur exécutif Iliana Guevara (de gauche à droite)

 
Sur la route des Oscars
 
Avec des images splendides d’Istanbul et d’Erevan et une musique d’accompagnement magique, ce film est le premier en 89 ans d’histoire des Oscars à aborder la question du génocide des Arméniens. Et il est tout proche de décrocher le sésame convoité. 
 
"Le fait que ce film soit le premier à avoir enfin attiré l'attention de la cérémonie des Oscars est très important pour moi. Il donne l'occasion de présenter l'histoire du génocide à un large public ".
 
Le 24 Janvier, l’Académie des arts et des sciences du cinéma (Academy of Motion Pictures Arts and Sciences) annoncera les nominations aux Oscars pour le meilleur film documentaire (court métrage). Le gagnant sera annoncé le 26 février, au Dolby Theatre à Hollywood.
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