PUZZLE
Nées au sein d’une famille aux origines diverses avec une grand-mère arménienne, éparpillée aux quatre coins du monde, secouée par les vagues successives d’immigration et baignant dans une culture plus russe qu’arménienne, les deux sœurs n’ont jamais fréquenté les structures traditionnelles de la diaspora, encore moins la communauté arménienne. Malgré tout, elles ont su opérer un retour vers leurs racines très personnel fait d’un mélange de souvenirs familiaux maintes fois ressassés, altérés et magnifiés, de références cinématographiques et photographiques pointues — Tarkovski et ses polaroïds —, de poésie « injustement » oubliée — Khodasevitch dont la fin d’un poème inspirera le nom de leur association dédiée à l’autoédition, Orpheus Standing Alone — et d’une imagination plus que fertile. Une façon bien à elles de reconstituer un peu le puzzle de leurs origines et se forger une arménité — terme qu’elles n’aiment pas utiliser — unique, intime et surtout choisie. « Pour moi, cette transmission arménienne est plus de l’ordre de la reconstruction. Je ne sais pas grand-chose de ma grand-mère et de ses frères et sœurs, ils sont décédés lorsque j'étais trop jeune. Donc j'ai dû recoller les morceaux des quatre histoires que l'on ressassait dans ma famille » explique Anna, la benjamine. Elle ajoute : « C’est une quête identitaire personnelle, mais aussi artistique aussi. Entre les histoires que l’on nous a racontées et ce qu’on a intrinsèquement en nous, ce qu’on en fait aujourd’hui et comment on rattache cela à ce que nous sommes. » Une quête de vérité donc qui a permis aux deux sœurs de se retrouver. « Il s'agissait de s'affirmer comme personnes, petites filles d'Arméniens, mais aussi et surtout comme artistes. De rendre hommage à ses influences qui nous sont manifestement inhérentes finalement. Ces influences qui nous permettent d'avoir une culture très singulière, et un goût plus particulier ».